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Kemmelberg

Les fortifications celtes

J L Putman & M Soenen

Pour la période du VIème au Vème siècle av. J.-C., on connaît actuellement en Europe continentale une vingtaine de sites de hauteur fortifiés habités par des élites locales.

Le Kemmelberg occupe une position excentrique, un peu éloignée vers le nord-ouest en direction des îles britanniques, ù l'on peut distinguer des milliers de collines fortifiées (hill forts) qui ont parfois un caractère différent des sites de hauteur fortifiés continentaux de cette période.

Sites de hauteur fortifiés centraux, VIème-Vème siècle av. J.-C.
Carte © M Fernández-Götz

Sites de hauteur fortifiés centraux, VIème-Vème siècle av. J.-C. (les point noirs sont des sites en Europe continentale, les triangles bleus sont des lieux méditerranéens connexes avec des racines grecques ou étrusques).

À l'âge du fer, le Kemmelberg était équipé d'un système complexe de fossés, de remparts et de palissades en bois.

Principalement en raison des destructions de la première guerre mondiale, mais aussi de la difficile lisibilité du sol, on ne possède, à ce jour, qu'une image très fragmentaire des fortifications.

1 Du LASER au LIDAR jusqu'au DTM et au LRM

En 2008, le Kemmelberg a été scanné par Eurosense à partir d'un avion équipé d'un système LIDAR (Laser Imaging Detection And Ranging).

Cela a permis de produire un 'Digital Terrain Model' précis (DTM, modèle numérique de terrain). Tous les objets à la surface de la terre, tels que les arbres et les bâtiments, ont été effacés numériquement pour ne laisser que le terrain nu.

Le LIDAR détermine la distance d'une surface à l'aide d'impulsions laser. Le laser scanne la surface. La hauteur des points de la surface peut être déterminée à partir des informations des impulsions réfléchies. Une topographie numérique précise peut être obtenue à condition que la position soit déterminée et corrigée des mouvements de l'avion.

Il y a trois opérations pour obtenir un enregistrement de balayage LIDAR: LRF (Laser Range Finder) pour mesurer la distance à l'aide d'un laser, GPS pour le positionnement de l'avion et INS (Inertial Navigation System) pour mesurer le mouvement de l'avion.

Principe du LIDAR
Dessin © Eurosense

Principe du LIDAR.

Le DTM peut ensuite être coloré numériquement par segment d'altitude et la position du Soleil peut également être ajustée artificiellement afin que les ombres rendent les irrégularités visibles. Les niveaux de hauteur les plus élevés sont colorés en rouge vif, les niveaux de hauteur inférieurs en rouge foncé, marron puis jaune et finalement vert. Sur l'image ci-dessous, la différence de hauteur entre le haut (rouge vif) et le bas (vert clair) est d'environ 100 m.

Image 3D LIDAR DTM, Kemmelberg
Image © L Urmel, Ename Center

Image 3D LIDAR DTM, Kemmelberg.

Sur l'image du DTM, la section du plateau est colorée en rouge vif. Sur le côté nord du plateau, les bords abrupts sont clairement visibles dans une teinte rouge foncé. Entre les deux flèches blanches, vous pouvez voir le seul fossé de l'âge du fer qui est visible sur les images DTM.

Les bords abrupts enferment une zone de 10 ha, ce qui correspond à peu près à la limite extérieure maximale de la forteresse de l'âge du fer. La partie plateau est légèrement irrégulière et sa superficie est d'environ 4,5 ha. C'est là que se concentraient les principales habitations. Le plateau est constitué d'une longue section orientée est-nord-est (3 ha) avec des traces de compartimentage.

La partie ouest-sud-ouest (1,5 ha), plus petite, est de forme plus ovale et descend vers l'ouest. De vagues indications de trous de poteau de maisons rectangulaires ont été trouvées dans cette partie.

Le LRM (Local Relief Models, modèles de relief local) peut être utilisé pour afficher les différences de hauteur locales, à petite échelle, à partir de données LIDAR. Le code couleur utilisé est le suivant: les parties jaunes sont plus élevées que l'environnement immédiat, les bleues plus basses que l'environnement immédiat, les rouges se situent entre les deux. Il est ainsi plus facile de 'voir' les divisions tant du plateau qu'à l'intérieur de celui-ci et de reconnaître les bords abrupts. Le seul fossé de l'âge du fer ainsi détecté est également visible.

Le contour violet est une interprétation de la superficie maximale de la fortification, y compris les pentes raides et les dépôts de déchets. La ligne d'interprétation verte suit le plateau habité, se compose de deux parties et montre un vague compartimentage dans la partie orientale.

Pour ce faire, on a combiné le LRM avec la présence d'arbres centenaires. Cela a permis de reconstituer par endroits le relief d'avant la première guerre mondiale. Apparemment, la compartimentation est perpendiculaire au bord extérieur, avec des intervalles d'environ 35 m. Il n'est maintenant pas certain que le compartimentage date de l'âge du fer, il pourrait être plus jeune ou plus ancien...

Image LIDAR MRL, Kemmelberg
Image © R Hesse, State Office for Cultural Heritage, Baden-Württemberg

Image LIDAR MRL, Kemmelberg. La distance entre les étoiles blanches est de 450 m.

Les quelque vingt sites de hauteur fortifiés du continent datant de cette période sont difficilement comparables. Le Mont Lassois (France) est situé à 350 km au sud-est du Kemmelberg. C'est aussi une butte témoin dont la partie plateau habitée (Mont Saint-Marcel) de cinq hectares (400 m de long sur 150 m de large au maximum) est de taille similaire à celle du Kemmelberg.

Le plateau est clairement compartimenté. Ce qui frappe, ce sont les vastes remparts et les fossés (lignes épaisses noires et lignes rouge-brun), bien au-delà de la partie plateau.

La Seine coule 100 m plus bas, au pied de la colline. Les découvertes sont impressionnantes et datent de quelques générations plus anciennes que celles du Kemmelberg. Les remparts et les fossés, jusqu'à 400 m de la partie plateau, sont remarquables. Cela montre que la vaste zone du Kemmelberg peut encore réserver des surprises.

Plan des alentours du Mont Lassois
Dessin © C Piard (CC BY-SA 4.0)

Plan des alentours du Mont Lassois.

2 Bord nord du plateau

Le bord nord du plateau du Kemmelberg a été la principale zone d'investigation. Les bords nord-est à nord-ouest sont très raides. Des excavations massives ont été découvertes dans le segment nord à nord-est de bord du plateau. De gros morceaux de grès ferrugineux ont également été trouvés dans les couches archéologiques, témoins possibles d'une exploitation pour la production de fer et/ou d'une utilisation dans la construction de remparts.

Grand morceau d'un banc de grès ferrugineux, au centre d'une couche archéologique
Photo © A Van Doorselaer, RAMS

Grand morceau d'un banc de grès ferrugineux, au centre d'une couche archéologique.

Apparemment, les remparts, les fossés et les palissades ont également été déplacés et mis à jour à plusieurs reprises. Cela se passait au sommet d'une pente raide, avec des fossés qui mesuraient parfois dix mètres de large et quatre à cinq mètres de profondeur. Sur une certaine bande, on pouvait aussi identifier un chemin d'accès.

Traces du rempart et de la voie d'accès
Dessin © L Urmel, Ename Center

Traces du rempart et de la voie d'accès: 1) Rempart; 2) Fossés; 3) Zones excavées avec éventuellement une palissade ou extension de terrasse; et 4) Voie d'accès.

Les palissades en bois étaient enterrées dans des paquets d'argile, peut-être pour une meilleure conservation et un meilleur positionnement. Des dizaines de mètres cubes de paquets d'argile ont été remontés d'au moins dix mètres plus bas pour soutenir les pieux de la palissade, peut-être aussi comme réserve d'argile pour la fabrication de pots.

À l'inverse, sur une distance d'au moins 50 m, une décharge d'au moins 100 mł - après compostage - a surgi sous le rempart nord (PHOTO 2a).

À l'extrême droite, au sommet des remparts (rupture de pente entre le talus et le plateau) (PHOTO 2b), on trouve une zone presque horizontale, caractérisée par la présence de plusieurs fossés comblés et de restes de palissades, surtout du côté du plateau central (PHOTO 2c).

la décharge à gauche au pied de la pente raide nord
Photo © Jean-Luc Putman

Photo 2a: la décharge à gauche au pied de la pente raide nord.

sur les remparts
Photo © Jean-Luc Putman

Photo 2b: sur les remparts.

au sommet des remparts se trouve une zone presque horizontale (plateau)
Photo © Jean-Luc Putman

Photo 2c: au sommet des remparts se trouve une zone presque horizontale (plateau).

3 Extrémité sud-ouest du plateau

À l'extrémité sud-ouest du plateau, il y avait un simple fossé de fermeture avec un mur de terre et une palissade.

La brisure dans le paysage ù se trouvaient les fossés est toujours visible. Au sommet, la palissade et le mur de terre ont complètement disparu. Le mur de terre s'est érodé et remplit maintenant presque complètement le fossé.

Fossé de fermeture avec rempart en terre
Photo © Stefan Dewickere

Fossé de fermeture avec rempart en terre.

Sur l'image 2D de mesure de la résistance électrique, la zone avec la douve de pourtour est bien délimitée (dans la bande bleu clair, au centre de l'image). La mesure montre la direction opposée à celle de la photo.

Mesure de la résistance électrique - Vue 2D (section transversale) de la zone avec le fossé de fermeture
Dessin © W Hantson

Mesure de la résistance électrique - Vue 2D (section transversale) de la zone avec le fossé de fermeture.

4 Eau et voie navigable

L'eau est et était alors d'une importance vitale. Aucun puits n'a été découvert lors des fouilles, ce qui peut s'expliquer par la présence de sources au sommet de la colline. Un niveau de source est situé autour de la ligne d'altitude 140 m, à la zone de contact entre la couche supérieure contenant du grès ferrugineux sablonneux et la fine couche d'argile en dessous. La première guerre mondiale a pu briser la couche d'argile impénétrable ici et là, entraînant des écoulements de source moins prononcés.

Quelques-unes de ces petites sources produisent encore de petits débits d'eau de façon discontinue. Elles sont situées sur le bord sud du plateau, à la tête d'une petite vallée asymétrique dans les bois qui se dirige vers la Douve, un ruisseau deux kilom è tres plus loin et cent m è tres plus bas. La Douve était autrefois navigable par de petites péniches et se jette à dix kilom è tres en aval dans la Lys à Warneton (Waasten en Belgique).

La Lys continue à couler jusqu'à Gand, ù elle se jette dans l'Escaut. L'Escaut se jette dans la mer du Nord via Anvers, au sud-ouest des Pays-Bas. Il s'agissait clairement d'une importante route de navigation à l'âge du fer. On peut donc supposer que la 'route' reliant les sources du sommet à la Douve jouait un rôle stratégique important.

De la Douve à Anvers via la Douve elle-même, la Lys et l'Escaut, la distance de navigation actuelle est de 170 km. Avec les nombreux méandres supplémentaires dans le passé, cela aura certainement été de plus de 200 km.

Petite source au sommet, avec couvercle en béton
Photo © Philippe Vercoutter

Petite source au sommet, avec couvercle en béton.

Comme d'autres sites, le Kemmelberg semble avoir été constitué d'un système complexe de remparts, de fossés et de palissades. On ne sait pas jusqu'ù ils s'étendaient au-delà du plateau. L'ensemble devait avoir l'apparence d'un 'ranch' (fortifié) plutôt que d'un 'château'.

Peut-être y avait-il des compartiments pour certaines unités de logement bien visibles de l'élite dirigeante près du bord nord du plateau. On peut se demander ù se trouvaient exactement les entrepôts, les ateliers (poterie, métallurgie...), les enclos pour le bétail, les chevaux, etc.

Les sources d'eau situées à la limite sud du plateau assuraient l'approvisionnement en eau. L'argile, nécessaire pour les nombreux travaux de poterie, se trouvait un peu plus bas. De grands dépôts de cette argile ont été trouvés au sommet du plateau.

À ce jour, aucune trace de violence, d'armes ou de destruction par le feu n'a été trouvée.

 

 

Copyright du texte © Archeo Kemmelberg. Un reportage original pour 'The History Files: Kemmelberg'.