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Kemmelberg

Premiers Agriculteurs Partie 1: De chasseurs-cueilleurs à agriculteurs

J L Putman & M Soenen

Chasseurs-cueilleurs tardifs et premiers agriculteurs

À la fin de la dernière période glaciaire, les chasseurs-cueilleurs se sont répandus sur toute la planète et le climat changeait rapidement. De nombreux grands mammifères (mégafaune) - tels que les mammouths - étaient en grande difficulté incapables de faire face à la disparition soudaine d'une grande partie de leur alimentation habituelle, puisque la vie végétale s'était adaptée aux températures ambiantes.

En outre, l'homme s'est montré trop enthousiaste dans sa chasse, de sorte que ces espèces se sont éteintes avant même l'apparition de l'agriculture.

En partie en raison de l'extinction d'un certain nombre d'espèces chassées - et peut-être par pure nécessité de survie - les humains se sont de plus en plus concentrés sur la consommation de plantes qu'ils ont appris à cultiver par essais et erreurs.

Fig 1: Quelques-unes des plantes consommées ou utilisées
Photo © Mathilde Dupré, Inrap

Fig 1: Quelques-unes des plantes consommées ou utilisées par les premiers agriculteurs: haricots, lentilles (en haut) et pavot, lin (en bas).

Des moutons, des chèvres et des vaches déjà domestiqués ont été importés du Proche-Orient en Europe occidentale à partir d'environ 7 000 av. J.-C.

Le porc domestiqué est également arrivé en Europe en provenance du Proche-Orient. La domestication du sanglier en Europe occidentale aurait entraîné le remplacement du porc importé. L'aurochs, un grand bovin sauvage également présent en Europe, n'a pas été domestiqué.

Plus tard, un nombre limité d'autres espèces animales ont suivi la voie de la domestication, comme la poule, une espèce d'oiseau originaire des jungles de l'Asie du Sud-Est. La chasse n'a pas complètement disparu lorsque l'homme est devenu agriculteur au néolithique. Les sangliers et les aurochs, par exemple, étaient toujours chassés, non seulement comme source de nourriture, mais aussi pour des raisons sociales ou de prestige. Des ornements étaient fabriqués à partir de défenses de sanglier, par exemple.

Fig 2: Aurochs et sangliers
Photo © Mathilde Dupré, Inrap

Fig 2: Aurochs et sangliers, animaux non domestiqués qui étaient encore chassés au Néolithique.

En tant qu'agriculteurs, les gens pouvaient subvenir à leurs besoins alimentaires de manière plus efficace au fil du temps. Le processus ultérieur de sélection des plantes et des animaux à domestiquer et à développer a également entraîné une augmentation des niveaux de production.

Ce qui a commencé de manière raisonnablement innocente s'est développé jusqu'à la situation actuelle où, par exemple, il y a un milliard de porcs, un milliard et demi de vaches et vingt-cinq milliards de poules, soit environ trois pour chaque personne sur la planète.

En 2015, la biomasse totale de tous les mammifères sauvages terrestres et marins réunis ne représentait que quatre pour cent de la masse totale des mammifères dans le monde. La biomasse humaine la même année était presque dix fois supérieure à celle des mammifères sauvages, alors qu'elle ne représentait que quelques dixièmes de pour cent il y a une dizaine de milliers d'années, avant le début du Néolithique.

Le bétail et les animaux domestiques représentent aujourd'hui environ deux tiers de la biomasse totale des mammifères sur la planète. Ce qui a commencé - peut-être par nécessité - comme une alternative à la chasse et à la pêche, s'est transformé en une méthode d'approvisionnement alimentaire presque écrasante, qui pourrait finalement mettre en danger l'humanité elle-même.

Il y a un peu moins de sept mille ans, les premiers agriculteurs du Proche-Orient ont migré vers l'Europe à la recherche de nouvelles terres fertiles à cultiver. Partant de la culture Sesklo dans les bas Balkans, ils ont voyagé soit le long de la côte méditerranéenne, soit le long du Danube, où ils ont rencontré des chasseurs-cueilleurs en chemin.

Fig 3: L'expansion néolithique en Europe
Photo domaine public

Fig 3: L'expansion néolithique en Europe.

L'idée que l'introduction de la production alimentaire (agriculture et élevage) a rapidement et complètement remplacé l'acquisition de nourriture (chasse et cueillette) n'est certainement pas applicable à toutes les régions.

Certains chasseurs-cueilleurs faisaient du commerce avec les agriculteurs, tandis que d'autres combinaient les deux formes de d'acquisition de nourriture. D'autres groupes encore ne sont jamais passés à l'agriculture, en raison de leurs propres convictions et valeurs. Les deux groupes se sont pourtant parfois mélangés. Des recherches sur l'ADN montrent que les premiers agriculteurs avaient parfois des enfants avec des chasseurs-cueilleurs tardifs.

Fig 4: La tombe d'une femme
Photo © Henri Duday

Fig 4: La tombe d'une femme, avec 55 % de composante génétique chasseur-cueilleur (5 480-5 360 av. J.-C.), Pendimoun (Castellar en France).

Des sites de massacre en Allemagne (Talheim, Halberstadt et Schöneck-Kilianstädten) et en Autriche (Asparn-Schletz) montrent que les premières communautés paysannes n'ont pas toujours vécu pacifiquement côte à côte. Des preuves incontestables de meurtres de masse de communautés entières, avec enlèvement de jeunes femmes, ont été trouvées dans les deux pays cités. On soupçonne que les auteurs de ces violences étaient des membres d'une communauté agricole voisine.

Fig 5: Le charnier de Halberstadt (Allemagne)
Photo © Christian Meyer et al

Fig 5: Le charnier de Halberstadt (Allemagne) in situ. Les squelettes ont été colorés et numérotés pour une meilleure distinction.

Lorsque les agriculteurs sont arrivés dans de nouvelles régions d'Europe, les chasseurs-cueilleurs déjà présents ont dû interagir dans une certaine mesure, car les Européens modernes portent leurs gènes.

Des études menées à l'échelle européenne sur l'ADN ancien ont révélé ce que l'on a appelé un renouveau du mésolithique, qui a commencé vers 4 500 av. J.-C. Au fil du temps, les éléments génétiques des chasseurs-cueilleurs se sont intégrés de plus en plus au génome des agriculteurs. Les études génétiques et les données de fouilles suggèrent que les individus ayant une lignée de chasseurs-cueilleurs ont pu être traités comme des inférieurs.

Fig 6: Personne jetée
Photo © Beau et al

Fig 6: Personne jetée (1), plus susceptible de descendre de chasseurs-cueilleurs que la personne enterrée avec soin (2), Gougenheim en France.

Premiers agriculteurs sur le Kemmelberg

Après une très longue période marquée par le passage de petits groupes de chasseurs-cueilleurs errants, à partir d'environ 4 000 ans av. J.-C. le Kemmelberg est devenu le foyer permanent de groupes beaucoup plus importants d'agriculteurs migrants: des éleveurs de bétail, pour être précis.

L'arrivée des premiers agriculteurs au Kemmelberg avait déjà été précédée en Belgique actuelle par l'installation de la culture de la céramique linéaire (également connue sous le nom culture rubanée, début du Néolithique, datée localement 5 300-4 800 av. J.-C.) dans la région de la Meuse-Geer et la région de la Dendre (région limoneuse située respectivement dans l'est et le centre-ouest de la Belgique).

Fig 7: Distribution des cultures rubanées ('Linear Pottery' & 'Blicquy group')
Photo © Caspar et al (1997)

Fig 7: Distribution des cultures rubanées ('Linear Pottery' & 'Blicquy group'), du lœss (limon) et des rivières en Belgique.

Après un hiatus ultérieur dans l'habitation - avec toutefois une possible occupation mésolithique du site pendant quelques siècles au Néolithique moyen I (4 800-4 400 av. J.-C.) - ce n'est que vers 4 000 av. J.-C. que des agriculteurs sédentaires venant du sud ont choisi le Kemmelberg comme site, dans un environnement vraisemblablement fréquenté par des chasseurs-cueilleurs mésolithiques.

Cet évènement a marqué un tournant dans le paysage en raison du début d'une déforestation progressive et dispersée. L'impact de la construction de nombreuses maisons néolithiques, ainsi que la création de petits champs et de clôtures diverses, ont certainement laissé une marque visible sur le paysage.

En archéologie expérimentale, les maisons sont souvent reconstruites sur base de données archéologiques. Par exemple, en 2012, une expérience a été lancée aux Pays-Bas avec la reconstruction d'une maison néolithique petite à deux nefs de 3,8 mètres de large et 9,1 mètres de long. Elle avait un plan rectangulaire et sa conception était basée sur des fouilles près de Haamstede-Brabers.

Pour la reconstruction, quatre-vingt-sept jeunes frênes minces ont été nécessaires pour le squelette, 750 pousses de saule pour le tressage et le ficelage, 240 bottes de roseaux pour la toiture, 1 500 litres d'argile et de sable pour le revêtement des murs, et six peaux de cerf pour les conduits/trappes de fumée et la porte, entre autres.

Il s'agissait de la construction d'une maison relativement petite. Ces maisons devaient probablement être reconstruites ou réparées après une ou deux décennies, si elles n'avaient pas déjà été détruites par le feu. En 2019, la maison reconstruite a donc été incendiée comme prochaine expérience. Cela a permis de documenter la pertinence archéologique des restes d'incendie.

Fig 8: La maison reconstruite de Haamstede-Brabers (Pays-Bas)
Photo © R Paardekooper, EXARC

Fig 8: La maison reconstruite de Haamstede-Brabers (Pays-Bas).

Fig 9: même maison, quelques minutes après le début de l'incendie
Photo © R Paardekooper, EXARC

Fig 9: La même maison, quelques minutes après le début de l'incendie.

La création de champs et l'élevage de bétail ont entraîné un changement révolutionnaire dans la région vers un mode de vie dans lequel la chasse, la pêche et les autres moyens naturels de collecte de nourriture avaient perdu beaucoup de leur impact. La nouvelle base de la vie était la culture de plantes et d'animaux domestiqués, la production de poterie et le tissage.

Les contacts d'échanges avec les voisins ont été intensifiés, qu'ils soient éloignés ou non – un processus déjà en fonction avant le Néolithique. Au cours des millénaires qui ont suivi, entre l'âge du bronze et l'âge du fer (2 200-800 av. J.-C.), tout cela a fini par évoluer, par le biais d'une transformation suprarégionale à grande échelle, vers un paysage culturel tel que nous le connaissons aujourd'hui.

La zone géographiquement étendue dans laquelle vivaient les habitants du Kemmelberg présentait des éléments matériels propres - auprès d'autres - qui faisaient référence aux zones culturelles voisines. L'étude de cet habitat permet désormais de comprendre que le Kemmelberg est intégré dans un environnement de grande envergure dans la partie sud-ouest du bassin de l'Escaut, c'est-à-dire le département Hauts-de-France en France, et la province de Flandre occidentale en Belgique.

Là, des communautés avec une identité commune se sont développées à partir du sud du pays. Sur la base des caractéristiques des outils et objets trouvés, les archéologues classent les premiers agriculteurs du Kemmelberg dans le Groupe de Spiere (4 400-3 800 av. J.-C.) au Néolithique moyen II. Le groupe de Spiere est lié à certaines cultures néolithiques telles que le Chasséen du nord de la France et la culture de Michelsberg (4 400-3 500 av. J.-C.), entre autres dans le bassin parisien et dans l'est de la Belgique.

Fig 10: Répartition des sites de découvertes
Photo © US Government, Source SRTM3, DTM, L Deschodt & I Praud

Fig 10: Répartition des sites de découvertes dans la sphère d'influence du Groupe de Spiere et du Michelsberg belge.


Suite en partie 2

 

 

Copyright du texte © Archeo Kemmelberg. Un reportage original pour 'The History Files: Kemmelberg'.